FEMMES ÉLUES


Comme un courant d'eau douce à travers l'âcre mer,

 Nos secrètes amours, tendrement enlacées,

 Passent parmi ce siècle impie, à la pensée

 Dure, et qui n'a pas mis son âme dans sa chair.


Nous avons le sourire ivre des blanches noces

 Qui mêlent nos contours émouvants et lactés,

 Et dans nos yeux survit la dernière beauté

 Du monde, et dans nos coeurs le dernier sacerdoce.


Nous conduisons parmi les baumes et les fleurs

 La lenteur de nos pas rythmés comme des strophes,

 Portant seules le faix souverain des étoffes,

 Les pierres et les fards, et l'orgueil des couleurs.


Nous sommes le miroir de nous-mêmes, l'aurore

 Qui se répète au fond du lac silencieux,

 Et notre passion est un vin précieux

 Qui brûle, contenu dans une double amphore.


Mais parfois la lueur fauve de nos regards

 Epouvante ceux-là qui nous nommes damnées,

 Et l'horreur vit en nous ainsi qu'en nos aînées

 Qui lamentaient les nuits dans leurs cheveux épars,


Car à travers la joie et la grâce indicible

 Et le royal dédain de nos graves amours,

 Nous sanglotons tout bas de rencontrer toujours

 Devant nous le grand gouffre ouvert de l'Impossible...


Nina<3












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